Moi j'aspire à l'éternité et je la veux, je sais qu'elle existe et je sais où elle est, à l'instant où je te parle. Plus loin, plus haut, plus bas, plus près, que m'importe, le mot "éternel" est une invention qui nous détourne de l'éternité. L'éternité est dans ce qui entre en moi et ce qui sort de moi trop vite pour que je le sache. Fou, oui, tu le sais aussi bien que moi, tout le monde devient fou. Les écrivains, les artistes, les chercheurs deviennent fous, et ceux qui ne deviennent pas fous demeurent ce qu'ils sont, des gens ordinaires et heureux de courir au dépotoir de l'espèce sans jamais avoir frémi d'horreur et sans avoir connu l'extase et qui meurent sans jamais être morts et qui sont effacés sans laisser de traces. Parfois je les envie de vivre dans cet univers pleins de sens, avec la mesure de l'argent, l'ubiquité du politique, les facilités du sexe et le repos de la distraction. L'éternité est sans mesure, comment pourrions-nous en parler? La poésie n'est pas donnée à tout le monde, il faut d'abord faire la conquête du silence et faire taire la voix de tout ce qui en nous n'est pas de nous. Les mots sont de trop. Nous parlons trop, nous lisons trop et nous écrivons trop. Nous donnons du sens à ce qui ne devrait être que du son. Les Orientaux ont raison: mantras et silence.
Voyage en Irlande avec un parapluie, Louis Gauthier
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